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Cette tribune est publiée sur lemonde.fr du 6 janvier 2023 et dans l’édition papier du journal Le Monde.
Les défis posés par les transitions écologique et énergétique impliquent que le plus grand nombre y contribue et se mobilise, c’est-à-dire en soit le moteur. Sans l’implication de tous, aucun changement à la hauteur des enjeux ne pourra être accompli. Dans le contexte actuel, marqué par une demande et une politique « d’accélération » des transitions, quelle est la place des citoyens dans la décision ? En effet, pour des raisons démocratiques tout comme pour des raisons environnementales, les transitions ont tout intérêt à se baser sur une dimension participative.
A l’occasion de la discussion parlementaire puis du vote, prévu mardi 10 janvier, sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables qui modifie les procédures de participation du public, il est d’autant plus intéressant de se pencher sur le modèle français de démocratie participative. En quoi consiste cette singularité française ? Quel rôle peut-elle jouer aujourd’hui face à la nécessité à la fois de ne pas retarder la transition, et de ne pas fragiliser la démocratie ?
Les « débats publics » : un exercice démocratique
La France a une longue tradition de débat public qui ne concerne pas seulement le penchant des Français à « parler politique » et à avoir une sphère publique dynamique. L’Etat a été l’un des premiers en Europe, il y a plus de vingt-cinq ans, à avoir mis en place une procédure dite de « débat public ». L’idée était simple et ambitieuse : permettre à toute personne d’être informée et de pouvoir participer aux décisions sur des projets et des politiques qui ont un impact sur son cadre de vie et sur l’environnement.
Trois grands facteurs ont amené le législateur dans les années 1990 à institutionnaliser cette démocratie participative : les crises écologiques et de la représentation qui, à partir des années 1980, ont sévi dans plusieurs démocraties occidentales ; la recrudescence des conflits environnementaux ; les injonctions internationales, comme la signature par la France de la Convention d’Aahrus (1998), qui impliquait, dans la législation environnementale interne, la traduction du respect du droit à l’information, à la participation et l’accès à la justice.
Depuis 1995, année de la création du débat public et de la Commission nationale du débat public, cette procédure a connu plusieurs réformes en devenant l’un des piliers de la démocratie environnementale française et un modèle très ambitieux de démocratie participative et délibérative.
Le débat public est à l’origine une procédure juridique à cheval entre logique politique et logique administrative. Derrière cet outil juridique, il y avait la conviction du législateur français de considérer opportun, juste et légitime que la décision, sur les grands projets qui structurent le pays, soit partagée avec les citoyens. Ce n’était pas seulement une question de procédure, mais plutôt d’un exercice démocratique tout court.
Parmi les différentes missions de la CNDP, trois d’entre elles illustrent la particularité du modèle français de démocratie participative : la première est la garantie du droit à l‘information : la CNDP garantit qu’une information complète, accessible, plurielle et intelligible soit proposée au public dans ses débats. La seconde mission est celle de garantir une participation effective de tout un chacun : il s’agit d’une mission qui se base sur plus de 25 ans d’expérience de terrain et qui a produit de nombreuses expérimentations démocratiques (assemblées citoyennes, kits pour les réunions d’initiative locale, la méthode de clarification des controverses en cas de sujets très conflictuels). La troisième mission est celle de rendre compte de manière exhaustive des propositions, des attentes, des interpellations du public sans les comptabiliser, ni les juger. Les comptes rendus de la CNDP doivent obligatoirement faire l’objet d’une réponse de la part des décideurs, publics ou privés.
Ce modèle – basée sur la garantie d’un tiers indépendant, sur des princeps et des méthodes adaptés et rigoureux, sur une reddition des comptes encadrée – rend la participation institutionnelle française non seulement accountable, mais aussi efficace, si l’on considère que plus de 64% des projets soumis à un débat public de la CNDP sont modifiés selon les orientations exprimées par le public.
Le débat public, un outil au service des transitions
Aujourd’hui un des défis pour un pays comme la France, qui a su oser la participation il y a 25 ans, consiste à franchir un pas supplémentaire dans son ambition participative.
Réindustrialisation, projets d’énergies renouvelables, reformes sociales capables d’accompagner les changements des comportements individuels et collectifs : ce sont autant de chantiers qui ouvrent avant tout une « question démocratique » : Qu’est-ce que cela change pour les individus et pour la société ? Et à quel prix pour l’environnement et pour le pays ? Le modèle français de démocratie participative apparait particulièrement adapté aux défis présents et futurs posés par les transitions écologique et démocratique. Il est à appréhender comme un levier, et non comme une contrainte qui ferait perdre du temps.
Les droits à l’information et à la participation s’insèrent non seulement dans le paysage contemporain des nouveaux droits (des générations futures, par exemple), ils sont également d’ores et déjà des outils opérationnels et efficaces pour débattre et prendre collectivement de grandes décisions qui impactent l’environnement, les ressources et les technologies futures.
Dans une démocratie dont les règles du jeu apparaissent souvent suspectes aux citoyens, le modèle français de débat public apparaît comme un atout précieux pour aller vers une transition participative accomplie, pour approfondir la démocratie tout en accélérant la transition et les projets qui la font vivre.
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