Conformément à la mission qui lui est assignée par l’article L.121-1 du code de l’environnement : « la CNDP a pour mission d’émettre tout avis ou recommandation à caractère général ou méthodologique de nature à favoriser ou développer la participation du public ». Pour ce qui concerne le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, la CNDP considère que la réforme envisagée ne doit pas se traduire par une régression du droit à l’information et à la participation du public, qui est un droit constitutionnel. Compte tenu de l’ampleur des transitions énergétiques envisagées, la régression du droit serait inévitablement un facteur de conflictualité.
La CNDP se prononce sur la base des documents dont elle a eu connaissance, uniquement sur les dispositions intéressant directement sa mission.
L’exposé des motifs de la loi ne doit pas laisser entendre que les principales décisions concernant la transition énergétique ont déjà été prises.
Le projet d’exposé des motifs indique que « Le président de la République a annoncé des investissements massifs dans notre parc nucléaire avec le lancement d’un programme de six EPR2 et le lancement d’études pour la construction de huit EPR2 supplémentaires. (…) Le président de la République a fixé des objectifs ambitieux de multiplier par dix notre production d’énergie solaire pour dépasser les 100 Gw, déployer 50 parcs éoliens en mer pour atteindre 40 Gw et doubler notre puissance actuelle de production d’éoliennes terrestres pour atteindre 40 Gw d’ici 2050 ».
Tel que présenté ce projet d’exposé des motifs laisse à penser que ces décisions ont été actées. Or, la CNDP rappelle que le Gouvernement s’est engagé à organiser une concertation nationale sur la stratégie énergétique devant contribuer à l’élaboration du projet de loi de programmation énergie climat qui doit être adoptée avant juillet 2023. Elle rappelle par ailleurs que les projets de construction de réacteurs EPR2 sont soumis à débat public et qu’aucune décision ne peut être prise avant la fin de cette procédure participative dont l’objectif est de mettre en débat l’opportunité même des projets. Le respect de ces exigences est d’autant plus important dans le champ du nucléaire particulièrement conflictuel, le public reprochant généralement l’inutilité de ces débats, voire leur instrumentalisation dans la mesure où les décisions seraient déjà prises. Il conviendra donc de corriger ces formulations afin de préciser qu’il s’agit de propositions.
La mutualisation des débats publics sur les projets de parcs éoliens en mer et sur les documents stratégiques de façade devrait être une sincère opportunité d’améliorer le droit à l’information et à la participation du public.
L’exposé des motifs du projet de loi indique que les « Documents stratégiques de façade maritime DSFM (…) permettent de définir des zones de vocation à l’échelle d’une façade maritime. Il s’agit donc du document de planification des usages de la mer. Les emplacements des parcs éoliens en mer pourront donc être choisis à l’intérieur des zones identifiées comme ayant une vocation éolien en mer dans le DSF. » Le texte ajoute que les projets n’auraient pas à faire l’objet de procédures supplémentaires de participation du public dans la mesure où l’objectif est d’accélérer les procédures.
- Avis de la CNDP sur les objectifs de planification et d’accélération des procédures
L’objectif de planification est pleinement partagé par la CNDP qui l’a recommandé dès 2019, à l’issue du débat public sur le projet de parcs éoliens en Normandie afin que le public puisse débattre de l’ensemble des parcs envisagés et dispose donc de visibilité tant sur le nombre de parcs, que leur localisation et leur calendrier prévisionnels.
S’agissant de l’accélération des procédures qui motivent ces nouvelles dispositions, la CNDP recommande que cet objectif soit mis au regard de l’exigence démocratique d’information et de participation du public à l’élaboration des décisions qui le concerne. Elle ne doit pas se traduire par une dégradation de ce droit. De nombreux rapports sur la participation ont récemment été commandités par le Gouvernement. Aucun n’a souligné que la participation du public avait ralenti l’élaboration des projets, et aucune recommandation n’a été faite pour accélérer ces procédures.
- Avis de la CNDP sur les propositions présentées
La CNDP a constaté lors des débats publics que le public souhaite disposer d’informations précises sur la territorialisation des projets et leurs impacts notamment environnementaux considérant que la transition doit être énergétique mais également écologique. Cette information fait aujourd’hui défaut. Par conséquent, si la participation du public ne peut avoir lieu que dans un cadre trop général portant sur la seule identification de zones d’implantation, ne permettant pas de disposer d’informations précises sur les projets envisagés et leurs impacts, elle aura pour conséquence de dégrader notablement le droit à l’information et à la participation du public et probablement de générer des tensions.
La CNDP recommande, par conséquent, que dans le cadre des documents stratégiques de façade, la participation du public puisse porter sur les objectifs généraux, dont celui de développer des projets de parcs éoliens en fonction des autres usages de la mer, et sur l’identification précise d’éventuelles zones où pourraient s’implanter ces parcs éoliens.
Sur cette base, l’Etat pourrait saisir la CNDP de plusieurs projets de parcs éoliens en mer sur une même façade qui feraient alors l’objet d’un débat public unique. Ceci permettrait aux publics de débattre de l’opportunité de chaque parc, de ses caractéristiques et conditions d’implantations territoriales, ainsi que des effets cumulés des parcs envisagés.
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- Publié le 14/09/2022
- Date de dernière mise à jour : 14/09/2022