Atelier de travail - Socio-économique
En bref
L’atelier s’est ouvert par une présentation des modes de production d’eau potable des autorités organisatrices d’Île-de-France, suite à un mot d’introduction de l’équipe du débat. Le SEDIF, Eau de Paris, Sénéo, et Aquavesc ont pu ainsi exposer leurs objectifs et moyens de traiter l’eau potable. Très riches et détaillées, les présentations (de 15 minutes chacune) ont permis de différencier les approches de ces autorités en termes d’approvisionnement (eaux souterraines et/ou eaux de surfaces), de traitement des pollutions émergentes (traitement en amont et diversité des technologies) et d’investissement par rapport aux risques sanitaires et coûts économiques pour le consommateur.
Aquavesc a présenté l’originalité de son approvisionnement qui consiste à réinjecter en partie des eaux de surface dans la nappe afin d’obtenir une filtration naturelle et a mis également en place la décarbonatation pour réduire le calcaire. Eau de Paris a exposé son choix d’investir dans des partenariats visant à réduire les pollutions à la source, en soutenant la conversion à l’agriculture biologique des aires de captages en amont. Enfin Sénéo a expliqué ses importantes réserves d’eau potable d’une durée de sept jours permettant de gérer les risques de pollutions ponctuelles. Le SEDIF a quant à lui exposé ses enjeux pour l’eau potable, son niveau de service et de contrôle ainsi que l’allocation de 1% des ventes de son eau à un dispositif de solidarité pour les plus fragiles.
Une séance de questions-réponses avec la salle a fait suite aux présentations. De nombreux participants ont souligné la difficulté qu’il y a à comparer le contexte de production et les chiffres avancés par les autorités organisatrices. Il a ainsi été demandé à l’équipe du débat de créer un tableau comparatif multicritères des autorités, utilisant un langage et des unités communes permettant de proposer une synthèse compréhensible par tout citoyen, ce afin qu’il puisse comparer les différents modes de production exposés sur une base commune.
La question du traitement en amont de la ressource et des partenariats possibles avec les agriculteurs, industriels et institutions (par exemple, l’Agence de l’Eau Seine Normandie) a été soulevée par plusieurs participants. Les participants ont notamment mentionné les conséquences, y compris financières, de privilégier davantage le curatif face au préventif, et le désinvestissement potentiel dans cette dernière approche. Tout en reconnaissant le besoin de traiter les pollutions émergentes, d’autres participants ont questionné la hausse du prix pour l’usager liée au projet, le besoin d’une analyse de cycle de vie (ACV) sur la technologie proposée, l’augmentation des prélèvements d’eau et de la consommation énergétique, ainsi que les effets du projet sur l’interconnexion des réseaux d’eau.
La quarantaine de chercheurs, de représentants d’institutions, de partenaires sociaux, d’associations de consommateurs, d’associations environnementales présente à cet atelier est ensuite passé à un travail sur table autour de six thématiques socio-économiques identifiées par l’équipe du débat : bénéfices pour l’usager, impacts sur le prix, impacts sur le coût pour le producteur, consommation énergétique, bénéfices environnementaux et interconnexion des réseaux.
A raison d’une thématique par table, l’objectif des participants était d’identifier cinq questions et cinq impacts (positifs ou négatifs) soulevés par le projet et liés à la thématique, ainsi que de formuler 3 mesures d’actions différentes de celles proposées par le projet.
Voici un bref résumé des observations soulevées par les tables :
- Table « bénéfices pour l’usager » : La question centrale est de savoir si les bénéfices d’une eau de meilleure qualité et la diminution du calcaire, bien que louables, sont justifiés au regarde du surcoût pour le consommateur. Un manque de transparence est identifié concernant l’augmentation du prix lié aux coûts d’exploitation de la technologie sur le long-terme (au-delà de l’investissement initial) et une incertitude existe quant aux bénéfices liés au changement de comportement des consommateurs.
- Table « impacts sur le prix » : Un prix plus élevé peut accroître la confiance du consommateur dans l’eau du robinet et réduire le gaspillage (de l’eau en bouteille). Toutefois, il n’est pas certain que l’augmentation du prix soit compensée par les bénéfices, notamment sur le long terme avec des dérives possibles sur le prix de l’eau affecté par les intérêts des emprunts de l’investissement, les coûts croissants de l’énergie, les impacts du changement climatique et enfin aux contraintes de réduction de l’usage de l’eau (Plan Eau).
- Table « impacts sur le coût pour le producteur » : Pour une autorité organisatrice, les coûts de production peuvent varier en fonction de la diversification de la source d’approvisionnement, les contraintes en termes de consommation d’eau, et enfin une dépendance technologique liée à l’utilisation des membranes. Cela peut également entraîner une diminution d’autres investissements (notamment dans l’entretien des réseaux et la prévention en amont).
- Table « consommation énergétique » : le doublement de la consommation énergétique du projet et le contrôle des coûts de production est questionné au regard des bénéfices avancés pour le consommateur, des risques accrus de gaspillage et de vulnérabilité à un moment marqué par l’impératif de la sobriété énergétique.
- Table « bénéfices environnementaux » : tous les aspects environnementaux du projet ont été questionnés, allant des hypothèses faites par le projet sur le changement de comportement des consommateurs (en l’absence d’une large campagne de sensibilisation) à l’augmentation des prélèvements en eau et de la consommation d’énergie à un moment de sobriété (Plan eau, etc.). Les bénéfices pour les consommateurs ne semblent pas à la hauteur des coûts énergétiques du projet et des possibles impacts des rejets de concentrats en rivière.
- Table « interconnexion des réseaux » : Cette table a notamment identifié les incertitudes liées à l’interconnexion des réseaux d’eau en Île-de-France, mentionnant la question du mélange d’eaux de qualité différentes et la solidarité réduite entre acteurs qui en résulterait, la faisabilité réelle du « sans chlore » dans les réseaux (notamment au regard du plan Vigipirate) et la déstabilisation potentielle des biofilms.
Lors de la restitution du travail par les rapporteurs de chaque table en fin d’atelier, de nombreux points communs sont ressortis notamment sur les alternatives identifiées :
- Une stratégie de protection en amont de la ressource pour l’Île-de-France avec une coopération renforcée entre les différents acteurs et une réorientation des investissements.
- Une campagne de sensibilisation des consommateurs sur la qualité de l’eau du robinet pour inciter de réels changements de comportement (réduction de l’eau en bouteille, utilisation des détergents, réduction de la quantité consommée).
- Développer une offre d’eau adaptée aux besoins des usagers (utilisation des eaux pluviales pour certains aspects) et une meilleure évaluation des alternatives technologiques disponibles pour chaque besoin.
- L’abandon du projet.
Les compte-rendus
- Publié le 22/05/2023
- Date de dernière mise à jour : 31/08/2023